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Sauf le Dimanche rencontre Matthias Tronqual

An interview to read and listen to in French

16/05/2024

Emilie Buestel et Marie Doiret sont artistes associées à la Scène Nationale de l’Essonne dans le programme (UN)COMMON SPACES. Elles y ont été invitées par Christophe Blandin-Estournet. Parti à la retraite en milieu de parcours, c’est Matthias Tronqual qui le remplace.

Saisissant l'existence des Narratives IN SITU comme une opportunité de se rencontrer davantage, Emilie, Marie et Matthias se retrouvent pour une conversation à trois voix, donnant naissance à un épisode de podcast IN SITU. Ces questions cherchent à faire dialoguer la vision du programmateur et celle de l’artiste, autour de la création en espace public et espaces non dédiés. Leur parti pris est de tenter de discuter d’un point de vue sensible, intime, personnel, oser dire ses goûts, oser dire ce qui les inspire dans la création et la programmation mais également en temps que public.


Sauf le Dimanche (Emilie) Quand tu programmes dans ton théâtre des spectacles hors les murs, est ce que tu programme une œuvre ou est ce que tu vas aller chercher un lieu et un contexte pour aller poser une œuvre ?


Matthias Tronqual [...] Moi ce qui m'intéresse, c'est plutôt de programmer des spectacles en lien ou en écho avec les enjeux du territoire. Mais pour pouvoir programmer ces spectacles et connaître ses enjeux, il a fallu faire tout un travail partenarial avant, de co-construction de projets, de rencontres des partenaires et de comprendre quels étaient les enjeux sociaux, politiques, culturels de ce territoire. Donc je dirais à première vue, désormais en tout cas, je fais plus une distinction justement entre la salle et l'espace public. Parce que pour moi, la salle comme l'espace public sont des endroits où vont être traités des enjeux, de manières différentes, certes, mais les enjeux de ce territoire, et ça, je pense que c'est important. Et je pense surtout que c'est aussi, et ça a été facilité par la grande pratique de la Scène nationale [de l'Essonne], d'avoir fait de l'espace public, d'avoir pu se concentrer, se confronter à ces enjeux là. Notamment [ceux] qui sont la question du corps dans l'espace public, le rôle des femmes dans la construction du lien social et les récits de jeunesse, qui sont pour moi les grands enjeux du territoire.



Sauf le Dimanche (Marie) Et une question tiroir à celle qu'a posée Emilie ; dans notre expérience, nous d'artistes porteuses de projets hors les murs, en lieux non dédiés, en espaces publics. On a l'impression que ça oblige un dialogue un tout petit peu plus resserré, un peu plus précis, un peu plus transparent entre le programmateur et l'artiste autour de l'œuvre, qui vont conjointement porter pour trouver le bon contexte et que c'est peut être une chose qui est moins vraie quand on fait une programmation conventionnelle en plateau. Est ce que c'est une fausse idée ou est ce que tu le ressens toi aussi ?


Matthias Tronqual Je pense qu'il y a un impensé de la réception dans le spectacle vivant. Je crois que le fait d'être dans une salle, beaucoup de programmateurs se disent que la réception va aller de soi au vu du spectacle. Ce que ce que ne permet pas l'espace public. 

L'espace public nous confronte directement à cette question de la réception et donc d'envisager tous les enjeux de cette réception, et donc d'en parler aussi avec les artistes avant même de programmer, ou tout en programmant. Ce qui est pour moi d'une richesse absolue. Ça ne dénature pas l'œuvre, bien au contraire, ça lui permet en fait de lui donner toute la richesse de sa réception, les différentes possibilités de réception que cette œuvre peut avoir parce qu'elle est dans l'espace public, parce que les conditions d'intention ne sont pas les mêmes, elles ne sont pas codifiées et qu'il va falloir créer ce contexte de la réception et que ça fait partie totalement intégrante et conscientisée de la part des artistes de l'espace public.


Sauf le Dimanche (Emilie) Et toi Marie, tu répondrai quoi cette question ?  Quand il y a un programmateur qui programme un de nos spectacles dans un lieu non dédié. Est ce que ça demande une grande préparation? Qu'est ce que ça demande comme relation? Avec le programmateur, avec le lieu dans lequel on va ?


Sauf le Dimanche (Marie) Mais il me semble que même si le programmateur a vu le spectacle, le fait de devoir ensemble projeter dans un contexte et du coup devant des gens soudain incarnés dans notre imaginaire de programmateur et d'artiste, même si il a vu le spectacle, ça nous oblige à en parler. De comment il est fait, de pourquoi il est fait comme ça, avec quelle intention dans cette relation justement émetteur récepteur?



Sauf le dimanche (Emilie) Marie, à quoi es-tu sensible en tant que spectatrice?




Sauf le dimanche (Marie) Hum. Alors j'ai beau être une danseuse, je crois que la première chose que j'aime le plus, c'est me faire raconter des histoires. J'adore les histoires, j'adore le récit et j'adore la fiction en fait. Je suis aussi une grosse lectrice. Je suis aussi une spectatrice de cinéma pour ça, je crois. Je vénère les histoires. Et après justement, toute danseuse que je suis avec un oeil un peu sachant du coup, disons capable d'analyser, je reste émerveillée à chaque fois que j'ai l'occasion de découvrir un nouveau langage chorégraphique. Je suis toujours saisie de voir un corps danser, une danse que je connais pas, une danse que j'ai, moi, jamais traverser, une danse que j'ai jamais ressenti. Ça me fascine encore. Mais ça me fascine comme comme les premiers spectacles de danse que j'ai vu et qui m'ont sans doute propulsé dans le désir de faire ce que je fais. Et la dernière chose, c'est que je suis aussi en tant que spectatrice, je me rends compte qu'à chaque fois que je vois un spectacle, assez rapidement, je me mets à observer comment certains interprètes aimantent mon regard et pas d'autres. Ça c'est aussi une chose que j'adore traverser en tant que spectatrice : me demander comment ça se fait que sous la forme qui est proposée et que les 300 personnes autour de moi voient, chez certains brûlent un feu que je ne peux pas analyser pour le coup, que je ne peux pas expliquer et qui fait que mon regard revient vers eux constamment. Ce mystère là, je sais ça aussi j'adore.


Sauf le dimanche (Emilie) Et toi Matthias ?


Matthias Tronqual À quoi je suis sensible dans un spectacle ? D'abord à l'image, parce que c'est la première chose qu'on nous donne à voir, souvent déjà aussi même aussi avant le texte. Et quand je dis l'image, c'est aussi le corps et la présence en fait d'un comédien, d'un danseur, d'un circassien. Et je pense que ce qui est magnifique dans le spectacle vivant, c'est justement l'idée que le corps, la présence visuelle, la présence sensible intervient avant la présence raisonnée, et que ça c'est quelque chose qui est de l'ordre de l'intime, du subjectif, et qu'on rentre par ça. Ça veut pas dire qu'on va aimer un spectacle, on va être sensible à un spectacle par rapport à une représentation ou à des codes visuels qui nous intéressent. C'est pas vrai du tout, parce qu'on peut être même déplacés visuellement dès le départ par quelque chose qui nous n'aurait, qui nous aurait pas plu. Mais je pense qu'il faut accepter, on va dire, la préséance de la question du sensible et notamment du visuel, Avant même de pouvoir se dire qu'on va rentrer dans un spectacle et pouvoir l'apprécier.


Sauf le dimanche (Marie) Et toi Emilie?


Sauf le dimanche (Emilie) Moi je vais le dire un peu différemment, mais je pense que ça se rejoint. Pour moi à un spectacle, ça me renvoie vraiment aux mystères de la vie, des choses qu'on ne comprend pas, des choses sous jacentes, ça me renvoie aussi à l'altérité, à aller découvrir des choses que je n'aurais jamais imaginé. Et moi aussi, j'adore l'expérience collective. Être ensemble à regarder ça, à applaudir, c'est cette chose. Je trouve ça très fort.




Sauf le dimanche (Marie) Comment on ouvre son théâtre à tous ? Est ce que le lieu théâtre est un espace commun ? Comme on y invite tout le monde ? Et qu'est ce que ça veut dire « aller chercher les publics » qui une expression complètement affreuse ?


Matthias Tronqual  Je pense que si on si on a souvent en commun cette expression, comment on « ouvre un théâtre à tous », c'est que sans doute on les vit comme des endroits fermés. Qu'il y a un vrai travail en tant que professionnel à faire sur cette idée ou sur cette représentation. Qu'est ce qui fait qu'un lieu de théâtre est fermé ? J'ai deux réponses à ça, en tout cas, qu'est ce qui fait qu'on peut le réouvrir et qu'est ce qui fait qu'il est fermé? 

Il est fermé pour une bonne raison, c'est que c'est un endroit, j'aime pas cette expression, mais qui a une « safe place », c'est à dire un endroit où on va pouvoir en dehors d'espace quotidien et l'espace public d'ailleurs, avec une proposition théâtrale peut créer aussi cet endroit. Un endroit où on va pouvoir par le sensible, attraper des gens, attraper leur regard, attraper leur attention et les déplacer dans leur imaginaire, sans qu'il y ait effectivement une confrontation ou une violence. Une violence qui arrive, la violence du quotidien à tous les endroits, dans les rencontres, etc. Donc je pense qu'à juste titre, il est fermé au sens où il permet d'être un endroit de préservation de la rencontre, de préserver un espace de déploiement de l'imaginaire. Maintenant, il faut que cette préservation là, elle puisse ne pas entraver la venue de certaines personnes. Donc pour faire en sorte qu'elle n'entrevienne pas à ça, il faut travailler. Et ça revient à la première question qu'on traité, c'est à dire qu'est ce qui fait que tout le monde a sa place au sein du théâtre? Pour moi, tout le monde a sa place au sein du théâtre si le théâtre est l'endroit de l'espace public des imaginaires, et donc de pouvoir faire en sorte qu'à partir justement des grands enjeux d'un territoire, on puisse les traiter poétiquement, politiquement et poétiquement, au sein de l'espace théâtre ou au sein des espaces symboliques que le théâtre va déployer sur un territoire. 

Et en ça, on arrivera effectivement à être ouvert. Ouvert au sens où chacun pourra y trouver sa place. Donc ça implique effectivement de faire un diagnostic territorial énorme. Ça implique de travailler structurellement aux partenariats et à la co-construction du projet du théâtre avant même de parler d'un développement de publics, ou même ensuite, ce qui est la queue de comète et le dernier travail, le bout de la chaîne, d'aller chercher des publics par rapport à une proposition. Mais 95 % des choses se font avant, avant même l'acte de programmer. Je dirais que le reste suit son cours.


Sauf le dimanche (Marie) Ça nous a évoqué, en en réfléchissant aux questions avec Emilie, au fait qu'en tant que compagnie, on se disait aussi que, et c'est pas très à la mode et je crains que ça le deviennent de moins en moins, qu'il y a aussi une décision commune à prendre compagnies et programmateurs : se mettre d'accord sur le fait qu'il n'y aura pas un prêté pour un rendu quand on sort des murs du théâtre. Et que cette logique un peu rentable et comptable dont on renvoie assez volontiers au fait de c'est intéressant de sortir des murs si ça permet une sorte de retour de public nouveau au sein du théâtre », ça, ça nous semble être l'équation foutu d'avance et que du coup il y aurait un accord à se donner, conjoint, sur le fait que ça a une valeur en soi, point qu'assister à un moment, une rencontre entre une pièce et des gens.


Matthias Tronqual Pour moi, c'est une vision d'abord complètement surannée. Et par ailleurs, ça prévaudrait d'une chose, c'est que les propositions dans l'espace public seraient plus accessibles et donc peut être moins artistiques, moins exigeantes que les propositions dans l'espace théâtre. Et je pense qu'il faut qu'on lutte contre ça. Mais donc du coup, il faut qu'on lutte dans l'idée qu'il n'y a pas des propositions artistiques qui sont à des endroits de stratégies de développement de public et d'autres  qui seraient des propositions pointues sur lesquelles peu de gens peuvent y avoir accès. 

Je pense que c'est plutôt l'espace public et les propositions dans l'espace public qui ont fait bouger le regard sur ce que doit être aujourd'hui un théâtre dans la cité, que l'espace public et les propositions de l'espace public comme permettant d'aller au théâtre. Je crois qu'on est vraiment dans cette situation là aujourd'hui et un changement de paradigme qu'il faut faire, mais grâce à toute l'exploration et l'expérimentation de ces nouvelles esthétiques qui sont dans l'espace public.



© Association des Scènes Nationales
« Pour moi, tout le monde a sa place au sein du théâtre si le théâtre est l'endroit de l'espace public des imaginaires [...], de pouvoir faire en sorte qu'à partir justement des grands enjeux d'un territoire, on puisse les traiter poétiquement, politiquement et poétiquement, au sein de l'espace théâtre ou au sein des espaces symboliques que le théâtre va déployer sur un territoire. 
Et en ça, on arrivera effectivement à être ouvert. »

Matthias Tronqual 







Sauf le dimanche (Marie) Matthias, on a une question en caméra embarquée à l'intérieur de toi : quand c'est le moment où un spectacle que tu programmes, que tu as choisi de montrer à des gens et que c'est le moment où ces gens là précisément le regardent. Quand toi, tu y assiste, qu'est ce qui se passe à l'intérieur de toi ? Qu'est ce que tu regardes ? Qu'est ce que tu ressens ?


Matthias Tronqual Mais il se passe la même chose qu'il se passe juste avant que je décide de programmer un spectacle, c'est à dire une très grande responsabilité. 

Et je dois dire que c'est des moments de fragilité pour pour quelqu'un à la direction d'un théâtre, de se dire j'ai une responsabilité et j'engage des publics vis à vis d'artistes et j'engage des artistes vis à vis d'un public dans les deux sens. Je me pose énormément de questions. C'est un moment de fragilité énorme parce que c'est là où on voit se déployer des réceptions qu'on avait pressenties peut être, des endroits où l'acte même de se dire, mais c'est presque un réflexe reptilien, de se dire « il faut que ça marche ». Il faut que ça marche, il faut que les gens soient heureux de ce qu'ils aient vu. Et en même temps, il y a toujours ce travail de critique en disant « il faut aussi que tu acceptes que la rencontre ne se fasse pas ». C'est un moment difficile mais plus que nécessaire, c'est à chaque fois une catharsis, que de comprendre en fait ce qui se passe dans dans une salle. C'est des fois joyeux, c'est des fois extraordinaire. Et puis il y a des moments où c'est l'endroit d'une responsabilité profonde et lourde que de se retrouver dans l'idée de se dire il va falloir aussi travailler sur qu'est ce qui s'est passé et comment. Et ça, on le sent complètement dans la salle, complètement dans une salle. Donc c'est un moment qui nous oblige.


Sauf le dimanche (Marie) Emilie, toi qui du coup est chorégraphe de pièces qui vont rencontrer des publics. Et du coup, parce que j'écris avec toi, je sais que du coup, dans ta réflexion de création, ce public pas encore rencontré, il existe déjà. Tu penses forcément à lui puisque tu vas lui dédier la pièce. Quand c'est le moment, toi ou la pièce que t'as imaginée pour un public que tu as imaginé se rencontre. Il se passe quoi à l'intérieur de toi?


Sauf le dimanche (Émilie) Pareil, une très grande fragilité... La particularité effectivement, c'est que c'est que nous on voit complètement le public quand on est en train de danser nos œuvres et qu'il y a quand même quelque chose qu'il faut assumer très très fort, il faut être à 100 % soi. J'ai refait l'expérience d'aller sur scène, là, avec un groupe d'amateurs et le plateau, je trouve que c'est hyper puissant pour partir ailleurs. Et nous, on est quand on est dans une salle de classe, on n'a pas d'éclairage, on a pas de costumes, on n'a pas de maquillage, on se cache derrière, rien. Et du coup, il y a quelque chose qu'il faut aller puiser très profondément. Il faut être ultra convaincue... C'est une sacrée expérience. 

Du coup, quand on prépare une pièce et qu'on pense au public, est ce que ça vient peut être influencer cette création ? Quelle influence le public a, avant même qu'on danse devant lui ?


Sauf le dimanche (Marie) Elle est énorme cette question parce que je ne suis pas sûr d'être capable d'y répondre. Je pense que c'est très inconscient parce que ce qui me marque, moi, dans la relation au spectateur, dans le moment de la représentation, quand on n'est pas sur la scène et que le public n'est pas plongé dans le noir, c'est cette chose qu'on a apprise et qu'on formule, qu'on essaie de transmettre aux interprètes et qui n'est pas du tout une évidence : qu'il faut s'empêcher en tant qu'interprète de préjugés. 

Ça revient à cette chose de la réception qui est vraiment , tu as raison, un impensé à tous les endroits. Aussi profondément dans la matière artistique, c'est à dire ça va très vite de juger le corps, le regard du spectateur qui nous regarde en train de danser. Or, c'est à lui et à lui seul qu'appartient ce qu'il est en train de traverser et de ressentir. Et du coup, je trouve que c'est surtout ça qui me marque de nos 20 années d'expérience. C'est vraiment la nécessité de sans cesse, comme un mantra, se rappeler, qu'on ne peut préjuger de rien justement dans la réceptivité et que c'est important.



© Jonay P Matos

Pareil, une très grande fragilité... La particularité effectivement, c'est que c'est que nous on voit complètement le public quand on est en train de danser nos œuvres et qu'il y a quand même quelque chose qu'il faut assumer très très fort, il faut être à 100 % soi. J'ai refait l'expérience d'aller sur scène, là, avec un groupe d'amateurs et le plateau, je trouve que c'est hyper puissant pour partir ailleurs. Et nous, on est quand on est dans une salle de classe, on n'a pas d'éclairage, on a pas de costumes, on n'a pas de maquillage, on se cache derrière, rien. Et du coup, il y a quelque chose qu'il faut aller puiser très profondément. Il faut être ultra convaincue... C'est une sacrée expérience. 

Émilie Buestel, Sauf le dimanche 





Sauf le dimanche (Emilie) Le lieu théâtre a-t-il toujours son sens ? Est ce qu'on doit inventer d'autres lieux ? Et puisque les arts de la rue s'organisent beaucoup en festivals, est-ce que c'est encore pertinent aujourd'hui ? Est-ce qu'on a intérêt à inventer d'autres modes de réception pour les publics ?


Matthias Tronqual Je pense que le lieu de théâtre a plus que son sens encore aujourd'hui. Je pense qu'on manque d'espaces apaisés, de rencontres qui vont nous permettre d'évoquer des questions qui sont des questions qui vont confronter des personnes, aussi différentes soit elle, à des grands sujets. Et que seul aujourd'hui, l'art, à un moment donné ou les idéologies politiques sont vraiment extrêmement en reconfiguration, que la question du religieux, qui est aussi à un endroit, à un endroit différent, mais un endroit aussi de questionnement du sens collectif et de pourquoi on est ensemble et aussi extrêmement en émiettement, en tout cas en questionnement. Que ces endroits de poésie en tout cas sont plus que nécessaires et je dirais même face à l'enjeu écologique et environnemental, je pense que c'est encore plus nécessaire parce que la pauvreté environnementale est pour moi l'exact écho à la fin ou la diminution de la richesse poétique. Et que moins il y aura de poésie, moins il y aura de richesse et de biodiversité. Et donc je pense que de la même manière, si le théâtre le fait, les festivals aussi trouvent ses manières et ses conditions. 

Donc je dirais que sur  l'enjeu, j'ai aucun doute que ces enjeux là, en tout cas, doivent perdurer ou sont nécessaires. Après, des fois, c'est la question des formes et aussi d'une société et d'un temps qui va rencontrer des formes qui sont plus ou moins pertinentes. Je pense que là il y a du travail encore à faire pour comprendre qu'effectivement, peut être sur ces formes de rencontres, il faut qu'on qu'on les pense à la fois dans l'espace et dans le temps, peut-être un peu d'une autre façon. Mais je trouve que les festivals sont beaucoup en réflexion, en bouillonnement, même s'il n'y a pas encore des modèles qui sont extrêmement pertinents par rapport à notre société. Et je trouve qu'en ce moment il y a une vraie réflexion dans les théâtres aussi pour que ces nouvelles formes de rencontres puissent aussi exister. 

Donc je suis assez rassuré et confiant là-dessus. La seule donnée, c'est combien de temps nous laissera le temps d'expérimenter ça ?


Sauf le dimanche (Emilie) Et toi, Marie? 


Sauf le dimanche (Marie) En écoutant Mathias. Il y a un texte de Lagarce qui commence par « Il faut préserver les lieux de la pensée, de l'imaginaire, les lieux du luxe de ça ». Je crois qu'il utilise le mot « luxe », j'aime beaucoup. « Luxe » qui veut dire du coup, en effet, que c'est ces espaces là qui sont le plus mis à mal dans notre extrême contemporanéité. Et oui, je ne peux pas dire mieux que Mathias. C'est à dire qu'en effet, l'espace du théâtre, si c'est un endroit qui rappelle que c'est un besoin fondamental de l'homme et de la construction du groupe humain, de partager la métaphore, l'inconnu, le truc qu'on comprend pas, le truc qu'on sait pas mais qui nous traverse, qui nous impacte et que c'est des lieux de communs, ça oui, c'est absolument encore indispensable. En effet, après la rencontre d'une époque de formes, de formats, de la nécessité de toute façon régulièrement pour un système de secouer son cadre et ses conditions. Ça, ça reste un mouvement vital nécessaire. Mais oui, bien sûr, c'est des lieux qu'il faut chérir. 





« Moi je crois à la mixité.Mais elle, finalement, elle rejoint tout ce que vous dites. Je crois qu'on a absolument besoin de mixité, de mixité de groupes humains, de mixité d'intentions, de mixité d'usages de nos espaces communs à la fois symboliques et concrets. Que les lieux d'apprentissage soient des lieux de création, que les lieux de créations soient des lieux de soins, que les lieux de soin soient des lieux d'apprentissage... des femmes Et en effet, ça nécessite, d'être ensemble dans l'expérience. »

Marie Doiret, Sauf le dimanche 
© Jonay P Matos




Sauf le dimanche (Emilie) De quoi on a besoin aujourd'hui, et à quoi crois-tu aujourd'hui?


Matthias Tronqual  Alors je n'aurais pas fait cette réponse hier ou avant hier en tout cas, en tout cas en début de semaine. Mais de quoi on a besoin aujourd'hui? On a besoin en fait de confiance et d'expérimentation. Je pense qu'on est dans une société où on ne fait plus confiance, où on ne fait pas confiance à l'autre et que ça nous oblige parce qu'on ne fait plus confiance à, avant même d'agir, de demander à l'autre où il veut aller. Et donc du coup de donner ses intentions avant d'agir.  Et c'est aussi sans doute en France, parce qu'en Fran ce on a une approche extrêmement rationnelle des choses et la question de l'émotion est quand même souvent reléguée, voire conditionnée ou sous-évaluée ou sous-valorisée. Et je pense que cette part d'inconnu, cette part de « on ne sait pas où on va, mais on a envie de le faire ». Si la confiance n'existe pas, alors c'est foutu. Et ça correspond tout à fait aussi à un schéma extrêmement capitaliste qui nous oblige d'énoncer des objectifs avant même d'éprouver les choses. Donc je pense que sans confiance, pas d'expérimentation. Et je pense qu'aujourd'hui, dans une société où on nous demande effectivement une performance, des endroits d'horizon, etc. Si on n'accepte pas aujourd'hui l'échec, si on ne permet pas l'endroit justement du laboratoire et l'expérimentation, c'est paradoxalement là qu'on va, c'est à dire vers l'échec. Donc je crois à la nécessaire ou à la nécessité de aire confiance. C'est la première des choses qui nous permettra de retrouver un horizon. Parce que faire confiance, c'est s'imaginer tout de suite un avenir. C'est pouvoir avoir la possibilité que cet avenir existe, qu'il prévaut même à un présent et à la possibilité de penser, de s'imaginer dans la suite. Donc je crois uniquement à ça. Et je crois que justement, nos théâtres et nos lieux sont des espaces d'expérimentation parce qu'ils font a priori confiance dans les gens qui viennent et dans les artistes avec lequel ils travaillent. Et ça, pour moi, c'est peut être la lueur d'espoir pour pour la suite.


Sauf le dimanche (Marie) Toi Emilie, tu crois à quoi? 


Sauf le dimanche (Emilie) Moi je crois que ça va rejoindre ce que tu dis. Je crois aussi beaucoup beaucoup au faire, à l'expérience et c'est ce que je revendique aussi en tant qu'artiste. Je crois aussi beaucoup au fait de collaborer, de collaboration, de décloisonnement, d'amener les différents lieux à s'ouvrir et et et à faire des choses ensemble. Des lieux qui a priori qu'on maîtrise pas ensemble à priori à collaborer. Décloisonner. 


Sauf le dimanche (Marie) Moi je crois à la mixité.Mais elle, finalement, elle rejoint tout ce que vous dites. Je crois qu'on a absolument besoin de mixité, de mixité de groupes humains, de mixité d'intentions, de mixité d'usages de nos espaces communs à la fois symboliques et concrets. Que les lieux d'apprentissage soient des lieux de création, que les lieux de créations soient des lieux de soins, que les lieux de soin soient des lieux d'apprentissage...  des femmes Et en effet, ça nécessite, d'être ensemble dans l'expérience.